Bonsoir les aviateurs ! Chaque dimanche soir, Des Ailes et des Plumes vous donne à lire ou relire un morceau de littérature aéronautique, vous offre une immersion dans la grande épopée de l'aviation et vous partage enfin les bonnes nouvelles du monde de l'aéronautique. Cette semaine, Joseph Kessel nous raconte Jean Mermoz.
Le sous-main de mon bureau n’est autre qu’un planisphère. Quand je pose mon ordinateur dessus, il ne me reste à regarder qu’une partie du monde, sans doute la plus enthousiasmante à mes yeux, parce que c’est celle qui vous dit : crois en tes rêves ; dépasses-toi ; élèves-toi ; cherches ce qui a de grand dans tout ce que tu peux accomplir, même les plus petits gestes. Cette partie du monde, elle prend sa racine en Afrique, avec le Maroc et le Sénégal. Mon regard survole ensuite l’Atlantique sud et ses dangers, puis se pose au Brésil, longe la côte et file jusqu’à Buenos Aires. Cette partie du monde, elle se termine du côté de l’extrémité sud de la Patagonie, après plusieurs bonds réussis, non sans frayeurs, en traversant la Cordillère des Andes. Sur cette partie du monde, se dessinent en réalité les itinéraires aériens de Jean Mermoz. Personnage légendaire, surnommé l’Archange, ce qu’il n’appréciait pas, il est de ceux qui sont un modèle à suivre pour moi, à l’instar des princes du ciel qu’étaient aussi Saint-Ex et Guillaumet. Voilà pourquoi ce planisphère tronqué par l’outil de travail est une bénédiction. Il me rappelle à chaque instant la route à suivre, celle donc empruntée par Mermoz dont il faut faire de sa vie une boussole.
Il se trouve que c’est un génie de la littérature du XXe siècle, Joseph Kessel, lui-même aviateur et qui sait donc parfaitement retranscrire ce que pouvait ressentir le pilote solitaire, qui nous la raconte dans sa magnifique biographie, sobrement intitulée Mermoz. Derrière la légende, le mythe, la gloire, nous découvrons surtout le récit de l’homme, avec beaucoup de délicatesse et de justesse, rendues possibles par l’amitié qui liait le biographe au héros de l’Aéropostale. Le texte qui suit n’est autre que la préface du livre. Elle nous dit ô combien cet exercice biographique fut délicat pour l’auteur.
“La seule pensée de ce livre me fut longtemps insupportable. Une douleur stérile arrêtait chez moi toute démarche dans ce sens. Le jour pourtant est venu où j’ai senti que je ne pouvais plus me dérober.
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